Épisode #4 : Je ne suis pas le seul...
Rentrée 2005 : j'entre en troisième année. Un matin, je vais à la Bibliothèque Universitaire, lorsque je tombe sur une affiche où je vois inscrit les mots “gay” et “lesbienne”. Je continue mon chemin, car je n'avais pas envie qu'on me voie arrêté devant cette affiche, et donc révéler ce que je ne voulais encore avouer à personne. En sortant de la Bibliothèque, je repasse devant cette affiche, en essayant de la lire : c'était une association Gaie et Lesbienne de l'université qui organisait une soirée pour la rentrée. Le hic, c'est qu'elle avait eu lieu la veille. C'était seulement au bout de la troisième année que j'ai connu l'existence de cette association qui organisait des soirées. Puis je guettais souvent les panneaux d'affichages, essayais de prendre contact avec l'association en question.
Oui, mais comment ?
Les appeler, ou aller à leur bureau et leur dire (j'imagine la scène) : “Messieurs-dames bonjour, je suis gay.
- Oui, c'est bien, nous aussi et alors, c'est quoi ton problème, jeune homme ?
- Ben, je suis gay.
- Certes. Pas de problèmes de discrimination, pas d'insultes, pas de problèmes avec ta famille et tes amis, rien ? Bon ben, on peut pas faire grand chose, tu peux venir à nos soirées, mais pour le reste, tu es assez grand.”
Bon c'est plus ou moins comme ça que j'imaginais la scène, donc je n'ai pas osé le moindre contact (Je sais, excuse bidon pour ne pas sauter le pas). Je pensais plutôt aller à une soirée. Mais la fois suivante, je n'ai pas osé y aller, je me suis trouvé une bonne excuse : j'ai cours tôt le lendemain. Ayant un emploi du temps surchargé, et la présence en cours étant obligatoire, comme j'étais boursier, je ne pouvais donc pas me permettre cela (autre excuse bidon ?). J'avais cependant pris soin de mémoriser l'adresse du bar où avaient lieu ces soirées, et de le trouver sur le plan de la ville. Puis, je profitais pendant que j'avais un peu de temps pour repérer les lieux, en pleine journée, pendant que le bar était fermé. Puis je décidai de sauter le pas, un vendredi soir. J'avais plus ou moins tout préparé, je n'arrêtais pas d'y penser toute la journée, surtout l'après-midi. Je me suis dit : “il faut que j'y aille, il faut que j'y aille”. Puis arrive le soir. Je tourne en rond dans ma chambre, encore hésitant. Et là, presque de colère, je sors de ma chambre universitaire, sors dans la rue, et décidais de me rendre, d'un pas décidé (à pied ! Et c'était pas à côté !), dans ce fameux bar. Je n'arrêtais pas de ressasser tout ce que j'avais vécu, mon parcours, tout en me disant que j'avais trop attendu, qu'il était temps d'agir, de prendre ma vie enfin en main. Je pensais aussi aux rencontres que je pourrais faire, aux numéros de téléphone que je pourrais récupérer, à la soirée que j'allais passer... J'avais la peur au ventre, je ne me sentais pas très bien au fur et à mesure que j'avançais... La colère que je ressentais au début s'est transformé en crainte...
Puis j'arrive devant le bar... j'avance d'un pas hésitant... je me demande encore si je veux y aller... je décide de passer devant et de faire le tour par la rue derrière pour ensuite retourner dans le bar... je me décidais à y aller... Je reviens, j'hésite encore je vois des gens à leur fenêtre dans une résidence aux alentours... j'ai l'impression qu'ils m'observent... puis je me dégonfle et décide de rebrousser chemin. Je retourne tranquillement au centre ville, presque soulagé. Je décidai de reprendre le bus pour rentrer... Voyant deux filles à l'arrêt de bus, je leur demande si le bus allant en direction du campus était passé, l'air de rien, comme s'il ne s'était rien passé juste avant... mais c'était justement – et malheureusement le cas. J'étais soulagé, mais aussi un peu déçu par mon manque de courage. Depuis, à chaque fois qu'il y avait une soirée, je me dis toujours au départ que j'irai, quoiqu'il arrive, puis je me dégonfle au dernier moment. J'avais aussi d'autres craintes, des préjugés sur les homos. Eh oui ! Des préjugés sur des gens auxquels je suis semblable, des craintes.
Épisode #6 : Je ne suis pas le seul II...